[FlashBack 2001] Vampire's Truth ? [ft Jane]

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Cher journal,

Aujourd’hui, le ciel est nuageux et le vent souffle sur Volterra. Fort heureusement, la chaleur accumulée les jours passés est encore présente et me permet de m’installer sur le rebord de cette fontaine si jolie. Qu’il fasse beau ou pas — même plus lorsqu’il ne fait pas beau — cette cité me semble toujours aussi étrange. Parfois, elle me fait même peur. Que renferme-t-elle comme secret ? Je n’en ai aucune idée, mais je suis persuadé qu’elle en dissimule un énorme. Les gens, ici, sont bizarres. Et puis il y a ce palais. Je vois parfois des groupes de touristes y pénétrer et ils ne ressortent pas tous. C’est étrange. Pourtant personne ne semble s’en rendre compte. Les gens sont-ils ignorants ou sont-ils dans la confidence ? Je pense plutôt qu’ils sont comme la plupart des Hommes sur cette Terre : ils ont une grande capacité à occulter ce qu’ils n’arrivent et ne veulent pas comprendre. Et ces touristes ! D’une joyeuseté insouciante ! Je dois avoir l’air d’un dément, perché sur cette fontaine, mon ordinateur sur les genoux, mes lunettes de soleil sur le nez. Et oui, j’ai les yeux très fragiles et même un ciel blanc nuageux comme aujourd’hui les blesse... Peut-être même plus qu’un soleil resplendissant.

Une ombre passa devant Sebastian. Une main posée sur le haut de son écran, il était prêt à fermer son ordinateur. L’écrit s’enregistrerait automatiquement. Mais ce n’était qu’un passant comme les autres. Il allait devenir paranoïaque dans cette ville. Elle était vraiment trop étrange. Il le sentait... Les autres étaient bien trop aveugles pour ça... Ou feignaient de l’être. Il reposa alors très lentement les yeux sur son écran — craignant toujours que l’on surprenne ses propos — et replaça sa main à côté de sa jumelle au dessus du clavier. L’écran rétro-éclairé affichait deux fenêtres de son logiciel de traitement de texte — Pages pour Mac OS X — celle de gauche étant son journal intime et celle de droite son premier roman en cours d’écriture. Pour l’instant, il noircissait sa page habituelle de son journal. Et oui, on pouvait être un homme, atteignant bientôt la trentaine et écrire un journal intime. Ce dernier lui permettait d’exposer certaines idées, pensées, et ressentiments. Ça aurait très bien pu être un carnet de bord ou ce genre de choses... Mais Sebastian l’appelait son journal intime, c’est tout.

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Cette ville est bizarre. Vraiment, vraiment bizarre. Elle me fait peur parfois. Pourtant je sais qu’ici je pourrais percer quelques secrets, aussi infimes soient-ils. Je ne perds pas espoir.

Une seconde ombre passa derrière son écran. Levant de nouveau les yeux rapidement au dessus de ses lunettes de soleil, Sebastian poussa un léger soupir en s’apercevant que la personne qui était passée près de lui n’était plus là. Il enregistra quand même rapidement ses textes et mit en veille son ordinateur. L’écrivain se leva, quittant la pierre froide de la fontaine, et rangea son MacBook dans sa sacoche. Il allait se retourner et se lancer dans la foule pour trouver un restaurant où grignoter quelque chose mais il se retrouva nez à nez avec une jeune personne blonde comme les blés. Il resta un long moment immobile, ne sachant pas comment réagir. Que lui voulait-elle ? L’avait-elle surpris en train de frapper rageusement les touches de son clavier dans un subit excès d’inspiration ou, pire, avait-elle aperçu un mot de son journal qui aurait pu la mettre en rogne ? Ses joues se rosissant légèrement, il passa une main derrière sa nuque, gêné.

- Euhm... Bonjour ?

La ville de Volterra, avec ses hautes maisons plongeant dans l’ombre la moindre ruelle et sa place chichement éclairée par le soleil — lorsqu’il n’était pas dissimulé par les nuages — avait tout d’une ville troublante. Oh, elle était bien loin de ses villes d’Europe de l’Est qui vous donnaient la chair de poule par leur atmosphère gothique, mystérieuse et obscure, mais elle n’en était pas moins effrayante aux yeux de notre écrivain. Toute lumineuse et claire qu’elle pouvait l’être, Volterra lui faisait peur. Ses touristes insouciants et ses hôteliers tous plus étranges les uns que les autres à cause de leur apparente jovialité, de leur apparente innocence... Sebastian se sentait quelque peu oppressé par tout ça. Sans compter qu’il y avait ses gens vêtus de cape rouge lors des célébrations. Rien que d’y penser, rien que de les imaginer arpentant les dalles de pierre couleur sable, il frissonnait d’effroi.
Bien qu’aujourd’hui le temps ne fut pas tellement à la promenade, la foule envahissait la place de Volterra, comme tous les autres jours. Il était facile de s’y dissimuler, de se fondre dans la masse pour se faire oublier. Toutefois, les gens, le voyant assis au bord de la fontaine comme un paria parmi les touristes, semblaient l’éviter. Ou était-ce la crainte de recevoir une gouttelette d’eau de la fontaine par ce temps rafraîchi par rapport à la veille ? Sebastian en doutait un peu... D’ailleurs, en parlant de gouttes, heureusement qu’il faisait écran de son corps pour protéger son ordinateur. Sinon, maniaque comme il l’était des écrans, il aurait passé plus de temps à essuyer les gouttes d’eau qu’à écrire son journal.

Son journal. Il y confiait ses impressions, ses sentiments, ses projets pour l’avenir — lointain ou proche. Ce qu’il y contait pouvait être plus ou moins dangereux pour lui, tout comme ce qu’il racontait dans ses livres. Ça ne l’empêchait pourtant pas d’écrire. Comme s’il était pris de frénésie, encore et toujours, lorsqu’il pensait vampire. Vampire, loup-garou, sorcière, fée. Tant de mots qui le transportaient dans un autre monde, une autre dimension... Pourtant si proche de lui, de son monde. Comme la couverture d’un livre qu’on soulève. C’était exactement ça. Il se demandait si ses futurs lecteurs ressentiraient la même chose à propos de l’ouvrage qu’il était en train d’écrire. Est-ce qu’ils sentiraient cet autre monde, pulsant doucement sous la couverture cartonnée, n’attendant que d’être libéré par l’imagination et la lecture ? Sebastian n’en était pas sûr. Mais ça ne l’empêchait pas d’écrire. Il savait que, parmi tous ceux qui liraient son livre, certains penseraient comme lui. Certains, en découvrant les mots s’enchaînant en phrases, ressentiraient la même chose que lui, lorsqu’il levait les yeux vers les hauts murs de Volterra. Cet autre monde était là, pulsant derrière ces murailles apparemment infranchissables. Et maintenant que Sebastian en avait commencé l’ascension, il pouvait tomber à chaque instant et se rompre les os dans sa chute. Laisser sa vie dans sa quête de vérité. Mais qu’importe ? Si le monde était aussi fade que ce que la majorité des humains pensaient — sans vraiment le penser — à quoi lui aurait-il servi d’y vivre plus longtemps ?

L’écrivain craignait pourtant que ses écrits soient surpris. Il ne voulait pas mourir avant d’en savoir suffisamment. Ça aurait tout de même un peu dommage. C’était pour cela qu’il craignait les ombres qui passaient devant lui. Il craignait que l’un de ces étranges personnages vivants derrière ces murailles de pierre ne se mêle à la foule pour l’épier. Oui, il lui arrivait d’être un peu paranoïaque. Mais c’était de cette façon qu’il pourrait rester en vie plus longtemps. La foule se faisant plus épaisse au fur et à mesure où l’heure de manger s’approchait, Sebastian décida de quitter son perchoir pour faire comme ses congénères : chercher un endroit où manger.
Cependant, lorsqu’il se retournait pour faire face à la foule après avoir ranger son ordinateur, il se retrouva face à face avec une jeune fille blonde aux yeux délicieusement foncés, comme du chocolat 75% cacao. Il fut quelque peu gêné de s’être faire surprendre de la sorte et sentit ses joues rosirent sous ce sentiment. Il balbutia un salut qui était toutefois porté par une voix ferme et basse. Sebastian avait une très jolie voix. Il ne ferait aucun doute qu’il donnerait des séances de lecture une fois son livre publié. D’ailleurs, il aimait faire la lecture. C’était comme si l’on rendait l’univers de l’ouvrage vivant, sous les yeux attentifs du public.

Un sourire naquit sur les lèvres rosées de la jeune personne et il ne put s’empêcher de le lui rendre alors qu’elle le saluait à son tour. Sa voix était curieusement envoûtante pour un enfant de son âge. Tout comme son allure. Sebastian était presque persuadé que, si elle ne portait pas sa capuche et qu’un souffle de vent s’engouffrait jusqu’à la fontaine, ses cheveux dorés le charmeraient complètement. Il était étrange comme une petite fille pouvait avoir cet effet sur lui. Il prit peur un fugace instant. Il n’était tout de même pas devenu pédophile en une fraction de seconde ?! Non, bien sûr que non. Ce n’était pas ce genre de fascination. Non, loin de là. Ce n’était pas une attirance sexuelle. Pas vraiment une attirance physique non plus... C’était comme... comme... comme une attirance spirituelle. Oui, voilà. L’âme de Sebastian, son esprit, toutes ses pensées, était attirée inexorablement vers cette jeune personne.
Il était tellement perdu dans ses pensées qu’il ne capta que la fin de ses propos : “visiter la ville ?” Il hocha alors légèrement la tête. Oui, il voulait bien visiter la ville. Il était vrai qu’il en avait déjà fait rapidement le tour mais il n’avait pas eu le temps de s’attarder plus que ça sur les bâtiments et leur histoire. Il se racla alors doucement la gorge pour mesurer sa voix.

- Oui, j’en serais ravi. Si, évidemment, vous ne... euhm... vos parents sont-ils au courant ?

Et oui, même si la jeune demoiselle envoûtait son âme, il n’en était pas pour autant complètement déphasé. C’était peut-être d’ailleurs pour cela qu’il n’était pas aussi aveugle que les autres touristes. De plus, tout au fond de lui, une petite voix naissait, grandissant, grondant à chaque seconde pour se faire une place parmi la brume que l’enfant tapisser dans son esprit. Mais pour l’instant, elle n’était pas assez forte pour s’imposer.
Sebastian remonta alors la bandoulière de son sac un peu plus haut sur son épaule avant de s’élancer dans la foule avec la blonde enfant. Où allait-elle l’emmener ? Il se le demandait bien... mais si elle était un bon guide, elle lui exposerait globalement le trajet qu’ils feraient.