Don't stop your heart's running ; Over

Sous la ramure des arbres, qu'Abigail ne considérait plus comme menacante mais protectrice, la nuit tombait lentement sur la nature vivante et regorgeante de tout un écosystème mystérieux et discret. La jeune fille marchait lentement sur les feuilles mortes, qui craquaient toujours sous ses pas peu precautionneux, tout comme des années auparavant. Mais, contrairement à son passé, elle ne venait pas chercher la mort qui avait déserté son corps d'adolescente, car la mort n'était plus un mot faisant parti de son vocabulaire.
Elle avait attaché ses longs cheveux rouges à l'aide de barretes loufoques, roses à pois verts. Ses habits n'étaient pas coordonnés, son pantalon lui allait trop petit, mais son apparence n'était que très peu importante. Elle se contentait de fixer la cime des arbres, en songeant reveusement à toute cette vie qui grouillait tout autour d'elle, sous toutes les formes. Les volatiles, les mammifères, les loups, les insectes à six pattes, les rongeurs, tout lui apparaissait comme un seul maillon d'une immense chaine, alimentaire ou simplement vitale.
Elle s'allongea de nouveau sur le sol, appreciant le froid du sol qui réchauffait quelque peu sa peau. Elle étendit ses bras, decrivant des mouvements circulaires, et dessinant une vague forme d'ange au milieu de racines et des branches. Lorsqu'elle se relevea, elle observa quelques instants son oeuvre, un sourire aux lèvres, et se remit à arpenter la forêt, passant entre les arbres à un rythme régulier. Son visage affichait un air de douce exaltation,son immaginaire prenant le dessus sur la vie réelle, et elle finit par s'immaginer qu'elle était suivie. Elle se lança dans une course effrenée, ses lèvres laissant échapper un rire quelque peu dément, et ses cheveux roux volant entre les branches.
Elle finit cependant par s'arreter, son souffle n'étant que peu altéré par sa marche rapide, mais son coeur battant plus rapidement. Ses mouvements se firent plus fluides, et plus adoucis. Elle était de nouveau plongée dans ses agréables reveries d'etrange jeune fille, ses pensées noyées dans un mutisme qui était pour la plupart du temps quotidien.
Mais des bruits de pas, feutrés mais assez buyants pour ses oreilles sensibles, la ramenèrent à la brusque réalité. Elle ne s'affola pas, car bien qu'elle soit sous sa forme humaine, son odorat lui indiqua que son chef de meute s'avançait vers elle. Elle marcha jusqu'à lui, s'avançant à s rencontre. Lorsqu'elle le vit enfin, s'engageant entre les arbres, elle dit, un sourire reveur aux lèvres:

« Salut grand manitou. »

Elle eut ce rire un peu fou qui la rendait si bizarre aux yeux des gens «normaux», et elle s'appuya contre le tronc d'un immense chêne, attrapant une feuille, et la découpant lentement, ignorant partiellement l'homme qu'elle considérait comme son père. Plusieurs minutes s'ecoulerent ainsi, dans le silence, jusqu'à ce qu'elle souffle, un air sérieux sur le visage:

« Tu crois que ça se mange? »

Remarque idiote, mais dans le parfait style d'Abigail. Des questions inutiles, qui rendaient toujours les gens aussi suspects vis a vis de sa santé mentale. Des questions qui menaient néanmoins souvent à d'immenses remises en questions, et à une réflexion bien plus profonde.

« Tu t'imagines que chaque etre vivant sur cette terre a été créé selon la nature, et que tous les élements sont liés? Terre, eau, feu, et air, aucun ne serait possible si l'un d'eux n'existait pas. »

Elle se mua soudain dans un silence concentrée, retrouvant sa figure enfantine, et relevant de nouveau son visage vers le ciel si noir qu'il se confondait avec les ramures des arbres.

Andrew détestait la nuit lorsque la Lune n'était pas pleine. Ces nuits là, il était d'une humeur pire que d'habitude. Il ne se sentait qu'à demi puissant, c'est-à-dire presque faible, et pour la croisade qu'il menait depuis des siècles, la faiblesse était à bannir de sa vie.
Installé dans le grand fauteuil de cuir de son bureau, au premier sous-sol de la boîte de nuit de Florence qu'il avait acheté il y a quelques decennies maintenant, l'Alpha poussa un long soupir de lassitude. Pendant que l'ambiance était à son apogée sur la piste de dance juste au dessus, il restait là dans le silence le plus complet. Finalement, il fit pivoter son siège pour faire face au malabar planté à coté de la porte, comme un soldat de plomb.

_ Tu sais où est Anita ?

La statue s'anima soudain et, alors qu'on ne la soupçonnait pas d'être capable de paroles, elle lâcha d'une voix roque :

_ Elle est en haut avec Alex, Elisa et Devon.

Andrew hocha la tête lentement. Ils s'amusaient parmi les humains noctambules. Bien. C'était une bonne chose. Il aimait savoir que ses "Enfants" allaient bien. C'était important. Presque autant que de détruire les Volturi.
En fait, les membres de la meute se trompaient tous. Ils pensaient qu'ils avaient besoin de leur Alpha pour exister alors qu'en réalité, c'était lui qui avait besoin d'eux.

_ Et la petite Abygail ? demanda encore le loup blanc en relevant la tête vers son compagnon lupin.

_ Je crois qu'elle est sortie en forêt.

Sortie en forêt ? Toute seule et par une nuit sans pleine lune ?!
Furibond, Andrew se leva et attrapa son manteau en toile légère pour sortir. Il remonta en courant les escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée, saluant à peine les modificateurs qu'il croisa en retour. De toutes manières, ils savaient tous que lorsque l'Astre de la nuit n'était pas rond, Andrew n'était pas un homme des plus charmants à cotoyer.

Une fois dans la cour intérieure de son établissement, il grimpa sur l'une des motos qui attendaient sagement, une Frazer600 en l'occurence, enfonça un casque noir sur sa tête et quitta le stationnement par une ruelle peu fréquentée. Il fit ronfler le moteur et enfila les kilomètres pour sortir de la ville. Lorsque les lumières des réverbères furent assez loin pour ne plus suggérer que de vagues lucioles, il coupa le moteur et poussa l'engin dans les buissons. Il abandonna le casque à proximité et s'engagea dans la forêt. C'était leur terrain de chasse habituellement. Il n'était pas rare d'y trouver des amoureux en promenade ou des promeneurs courageux quoi qu'égarés.
S'immobilisant un instant, il s'appliqua à ressentir les bruits que ses oreilles détectaient. Essentiellement le vent dans les branchages... et puis, peut-être des pas qui écrasaient des feuilles mortes. L'auteur n'était pas très loin.
Andrew se dirigea avec décontraction dans sa direction. Il finit par voir une petite silhouette se découper entre les arbres. Sa pointe d'inquiétude qui s'était imicée dans son coeur glacé s'évapora. Il reconnaissait son odeur. Continuant son approche, un air éternellement songé peint sur le visage.

Abygail l'avait repéré elle aussi et commença à lui parler. Comme d'habitude, ses propos semblaient décousus de sens. L'Alpha écoutait de tout même parce qu'il se disait que pour la demoiselle il devait y en avoir, du sens. Elle se mit à lui parler d'éléments. Pensif, il s'adossa au tronc d'un arbre et demanda :

_ Et qui nous a créé nous, puisque nous ne sommes plus vivants ?

Contractant sa mâchoire, il observa du coin de l'oeil sa petite Loupie faire des allers et venues dans son périmètre. Elle était si étrange. En 2000 ans d'existence, il n'avait jamais rencontré une personne comme elle. On dit généralement que les gens ont peur de ceux qui sont différents. Pour Andrew, c'était l'inverse. Abygail le fascinait. Elle semblait avoir tout un monde dans sa tête.
Le chef de meute l'épia encore un moment avant de lâcher entre ses dents, d'un ton faussement sévère :

_ Je ne veux pas que tu sortes toute seule les soirs quand ce n'est pas la pleine lune.

La demoiselle était importante pour lui. Il ne devait rien lui arriver.

« Et qui nous a créé nous, puisque nous ne sommes plus vivants ? »
« Qu'est-ce qui te fais croire que nous ne sommes pas vivant? »

Elle s'approcha de lui, et posa sa main sur son torse, écoutant les battements du coeur. Elle releva sa tête vers lui, qui lui semblait si grand tant elle était minuscule. Elle lui adressa un gentil sourire, et s'assit dans l'herbe à coté de lui, se passant de commentaires. Elle se mit à siffler un air dynamique, et se mit à rigoler d'un air idiot, en songeant à la remarque d'Andrew. Il lui semblait impossible d'etre mort. Les vampirs, eux, étaient bien vivants, alors que leur coeur ne battait plus, et que leur âme était envolée, réduite à l'état de poussière. Pourquoi des corps encore partiellement humains auraient été condamnés à la mort, à une damnation éternelle? Mais après tout, la vie n'était pas toujours juste, et souvent étrange. Mais Abigail aimait l'étrange, et elle aimait faire regner l'injustice, en faisant parfois souffrir les plus innocents. Elle finit par enoncer à haut voix ses pensées, d'une voix lunaire et lointaine, comme un monologue coincé entre rêve et réalité.

« Je crois que tout est vivant. Les arbres sont vivants, la lune est vivante. Alors pourquoi serions nous morts? Chaque chose ayant un but est doté de vie, et nous, notre but est la vengeance. La lune éclaire les nuits sombres, et transforme la vision des gens, le soleil réchauffe la terre et nous abreuve de lumière. Avant d'etre une fille de la lune, je n'avais pas de but: j'étais morte. Tu m'a redoté de la vie, tu m'a en quelque sortes résucité. »

Elle éclate de nouveau de rire, amusée par sa propre reflexion, et elle se relevea brusquement, n'arrivant pas à canaliser son énergie débordante. Elle tenta de grimper au meme chene contre lequel elle s'était appuyée quelques instants auaparavant, s'accrochant aux branches basses, et se hissant à quelques mètres de hauteur, et se lachant dans le vide, les jambes accrochées, comme une enfant aurait fait le cochon pendu. Ses cheveux tombaient dans le vide, et se secouaient lentement, alors que sa figure se colorait légèrement de rouge, le sang commençant à descendre. Elle ferma les yeux, et débuta un mouvement de balancier répétitif, telle une pendule qui aurait sonné les douze coups de minuit.

« Je ne veux pas que tu sortes toute seule les soirs quand ce n'est pas la pleine lune. »
« Pourquoi? »

Toujours, «pourquoi», «comment», «qui», «quoi», «où». Elle ne répondait jamais sans justification, et ce n'était qu'après de précises explications qu'elle acceptait de se plier aux ordres. Elle aimait bien le contredire dans ses dires, comme un fille aurait répondu noir à un père ayant affirmer blanc. Elle se releva avec difficulté, secouant energiquement ses cheveux et son crane, qui reprit progressivement sa paleur lunaire. Puis elle sauta au sol, se retournant de nouveau vers son créateur, attendant une reponse de ses yeux vifs et perdus dans un monde immaginaire.

Dans une démarche féline plus que canine, Abygail vint poser sa main blanche sur le torse d'Andrew au niveau de son coeur. Oui. Il battait. Cependant, ce n'était pas ça "être vivant". Pas selon lui en tous cas. Il écouta sa vision des choses avec beaucoup d'attention, comme si c'était important. De toutes manières, tout ce que disait sa protégée était important en quelques sortes. Pourtant ses paroles n'étaient jamais limpides. A la réflexion, cela ressemblait souvent aux prédictions un peu folles des cartomanciennes ou des voyantes. Son rire dément semblait une douce musique aux oreilles de l'Alpha. Parfois, c'était reposant de savoir que tout n'avait pas forcément un sens dans ce monde.
Quand il l'entendit évoquer le fait que, selon elle, il l'avait ressuscité en la transformant, Andrew contracta sa mâchoire et serra les dents en fronçant légèrement les sourcils, comme s'il était peiné de l'entendre dire ça. Dans l'esprit du loup blanc, les choses n'étaient pas teintées de l'esprit chevaleresque que la demoiselle leur prêtait aujourd'hui. Il était simplement tombé sur elle par hasard et avait ressenti le besoin brûlant de l'avoir auprès de lui, comme s'il avait su qu'elle saurait l'apaiser comme elle le faisait depuis qu'elle avait rejoint la meute. Alors même si Abygail lui avait demandé ce soit de faire d'elle l'une des leurs, c'était tout de même une action égoïste.
Le temps qu'il trouve quelque chose à lui répondre, la demoiselle faisait des acrobaties dans l'arbre. Elle avait toujours eu la bougeotte.
Se murant dans un silence temporaire, il la regarda jouer un peu à se balancer avant de regagner la terre ferme. Puis il serra les dents pour souffler d'une voix égale teintée d'une pointe de mélancolie :

_ Je suis ici depuis 2 000 ans, Loupie. J'ai survécu à toutes les guerres et à toutes les pandémies. Alors crois-moi, si j'ai pu faire tout ça, c'est que je suis déjà mort.

Andrew fourra ses mains dans ses poches et leva la tête vers le ciel pour observer la cime des arbres qui s'y rejoignaient. Mouvement orchestré car il ne tenait pas à croiser le regard de la louve rousse lorsqu'elle répondrait à sa prochaine question :

_ Tu dis que ton but est la vengeance mais en réalité, c'est le mien. Es-tu seulement consciente que je me sers de vous tous pour l'atteindre en faisant fi de vos propres buts ? ... N'y a-t-il donc rien que tu désires plus que te joindre à ma croisade ? Ton abnégation serait bien grande.

Lorsqu'elle voulut savoir pourquoi il ne voulait pas qu'elle se promène seule, il esquissa rapidement un petit sourire et répondit sans faire étalage de ses sentiments et ses inquiétudes paternels pour Abygail :

_ Parce que lorsque la Lune n'est pas pleine, nous autres ses Enfants ne sommes plus rien. Il ne faudra pas qu'il t'arrive quelque chose. Une vengeance est bien assez lourde à porter.

« Je suis ici depuis 2 000 ans, Loupie. J'ai survécu à toutes les guerres et à toutes les pandémies. Alors crois-moi, si j'ai pu faire tout ça, c'est que je suis déjà mort. »
« Bah c'est plutot cool, non? Je vois pas pourquoi tu serais mort. Moi j'te vois bien vivant, même si t'es un très vieux grand père maint'nant. »

Remarque idiote, mais qui suffit à la réconforter dans ses certitude. Mais observant le visage fermé d'Andrew, elle sauta d'un bond jusqu'à lui et lui dit:

« Fais pas cette tête Papi, faut être cool. »

Elle lui adressa son sourire si spécial, et sorti un bloc note de la poche de sa veste, ainsi qu'un crayon. Ses mains volaient sur le papier, et semblaient presque invisible alors que la nuit se faisait plus sombre encore qu'auparavant. Au départ, son oeuvre ne sembla être composée que de traits abstraits, sans aucun sens ni aucune méthode, qui s'emmelaient les uns aux autres en un étrange méli-mélo. Puis, au fur et a mesure des minutes, la forme d'un loup se profila sur le bloc-note, un air extraordinairement neutre sur son visage lupin. Et bien que le croquis était en noir et blanc, il en ressortait une certaine blancheur et pureté, qui ne laissait aucun doute sur l'identité de l'animal. Elle le montra alors a son maitre, et dit:

« Ca c'est toi. »

Puis elle reprit à nouveau le dessin, et à l'aide de son crayon, rajouta un immense sourire aux babines d'Andrew. Puis elle lui tendit à nouveau, se taisant, et scrutant soucieusement les traits de l'Alpha. Puis elle s'accroupit en tailleur, écoutant attentivement ses paroles, et reflechissant quelques instants, son jeune cerveau chauffant à toute allure.

« Tu dis que ton but est la vengeance mais en réalité, c'est le mien. Es-tu seulement consciente que je me sers de vous tous pour l'atteindre en faisant fi de vos propres buts ? ... N'y a-t-il donc rien que tu désires plus que te joindre à ma croisade ? Ton abnégation serait bien grande. »
« Tu te sers pas de moi. »

Elle n'en dit pas plus, replongeant dans son eden de gaieté, et ignorant la suite de sa réplique. Elle ne souhaitait rien de plus que d'aider Andrew, n'ayant pas d'autre but que de le servir. Le mot abnégation ne convenait pas parfaitement, elle aurait plutot employé le mot «collaboration», puisqu'elle n'avait pas la réelle impression de s'oublier en faveur de l'Alpha, mais plutot de l'aider en parfaite connaissance de cause. De plus, écarteler les vampires lui semblait un jeu des plus divertissant, et des plus amusant.

« Parce que lorsque la Lune n'est pas pleine, nous autres ses Enfants ne sommes plus rien. Il ne faudra pas qu'il t'arrive quelque chose. Une vengeance est bien assez lourde à porter. »
« Quelque chose? Genre, me faire trucider puis démembrer? »

Elle se mit à rigoler, amusée malgré sa remarque macabre. Son esprit cherchait une image d'elle en pleine torture, ce qui suffit à la rendre de nouveau hilare. Son rire resonnait entre les arbres, et elle se surprit à penser que les animaux devaient etre bien effrayés à ce bruit. Soudain, elle recouvra tout son sérieux, relevant pendant une fraction de seconde son regard vers Andrew, puis collant son menton contre sa poitrine, et entourant son ventre de ses bras minuscules.

« Dis, quand on les aura tous tués, qu'est-ce qu'on va devenir? »

Sa voix était dès à présent pleine d'emotion et de tristesse, et les larmes semblaient pretes à jaillir de ses yeux noisette. Sa main se mit à trembler violemment, et elle re-rangea ses crayons, en arrachant nerveusement les rares brins d'herbes au sol.

"Papy" ? Un autre membre de la meute se serait probblement ramassé un coup de patte sur le museau mais c'était Loupie alors la seule réaction de l'Alpha fut d'esquisser un petit sourire.
Abygail sortit un calepin et un crayon pour dessiner quelque chose, comme si l'inspiration était descendue du ciel soudainement pour la foudroyer. Pendant qu'ele travaillait, Andrew observa son visage concentré. C'était rare de la voir comme ça. D'ordinaire, elle avait toujours l'air dans les nuaes, regardant dans le vague ou regardant des choses qu'elle était la seule à voir. L'homme pluri millénaire ne s'attendait pas vraiment à ce que le crayonné de la jeune fille donne quelque chose de concrêt au final. Mais quand elle tourna son oeuvre vers lui et qu'il vit le gros loup blanc, son coeur se serra. Adorable. Il réprima l'envie de la serrer dans ses bras. Depuis qu'il avait Abygail, son éternité ne lui semblait plus aussi longue et pesante.
L'enfant dessina un sourire sur les babines du loup et son modèle ne put s'empêcher de sourire franchement dans un petit éclat de voix. Il tourna la tête pour s'en cacher et posa sa main sur la tête de la petite. Lorsqu'elle lui apprit qu'elle ne pensait pas qu'il se servait d'elle pour attendre égoïstement son but au mépris du sien, il fut tiraillé entre deux sentiments : le soulagement, parce que bien qu'il le pensait lui, il voulait aussi le bien des membres de sa meute, et la tristesse, parce que la détermination aveugle d'Abygail - de beaucoup d'autres - semblait aveugle ; il pourrait leur faire faire ce qu'il voulait sans qu'n lui oppose la moindre résistance. Cette particularité rendait leur groupe fort. Il fallait cette discipline et cette abnégation pour qu'ils bougent tous ensemble dans la même direction. Ainsi ils étaient forts. Et pourtant, Andrew craignait toujours de se laisser submerger par le plaisir qu'il ressentait à les commander tous.

Il dit à Abygail de ne pas se promener seule la nuit sans pleine lune parce que c'était dangereux pour elle et elle lui répondit par une autre question, complètement macabre. Elle l'avait dit de sa voix d'ange inconsciente et ça sonnait étrange, même pour les oreilles d'un homme qui vivait depuis 2000 ans. Il préféra ne pas lui répondre.
La demoiselle rit avec une pointe d'hystérie et s'approcha de lui pour passer ses petit bras maigres autour de sa taille. Après avoir déposé son menton contre son torse, elle l'interrogea :

« Dis, quand on les aura tous tués, qu'est-ce qu'on va devenir? »

Andrew serra la mâchoire. Il savait bien ce qu'il voulait faire après ça. Abygail rangeait ses crayons et avait entrepris de tondre la pelouse à la main.

_ Tu peux garder un secret, Loupie ? Attention, je ne l'ai dit à personne. Même pas à Anita ou à Alex.

Il laissait le temps égrainer quelques grains dans son sablier et reprit :

_ Tu as dit toi même que pour vivre vraiment il fallait avoir un but. Une fois mon but accompli, je vous libérerai et je partirai. A moins que quelque chose m'oblige à rester en me donnant un but, je me donnerai la mort.

Portant une main sur la tête de'Abygail qui la regardait avec de grands yeux, il caressa doucement ses cheveux roux.

« Tu peux garder un secret, Loupie ? Attention, je ne l'ai dit à personne. Même pas à Anita ou à Alex. »

Elle acquiesca silencieusement, trouvant cette précaution étrange. Après tout, ils faisaient parti d'une meute, et se devaient de tout partager. Cependant, l'idée d'etre l'espace d'une seconde sa confidente la fit se rengorger interieurement, et un immense sourire se dessina sur ses lèvres pales.

« Tu as dit toi même que pour vivre vraiment il fallait avoir un but. Une fois mon but accompli, je vous libérerai et je partirai. A moins que quelque chose m'oblige à rester en me donnant un but, je me donnerai la mort. »

Elle l'observa alors sévèrement, et repoussa sa main sur ses cheveux. Une profonde tristesse s'instilla dans son coeur, et elle reprima ses larmes à grandes peines. Elle se détacha de lui, une mine renfrognée sur son visage poupin, et lacha d'une voix eraillée:

« Je te déteste. »

Elle ne le pensais pas vraiment, mais elle souhaitait l'enerver, le pousser à la colère, pour le punir de ses paroles, et pour qu'il comprennes à quel point ses paroles étaient bêtes à son idée. C'était une réaction des plus puériles, et des plus idiotes, mais c'était la seule qu'Abigail avait en réserve. Elle tremblait de fureur, et de peur à l'idée de se retrouver seule, sans but elle non plus. Cependant, son esprit vit soudain la chose sous un autre angle, plus mature, et elle souffla:

« Ainsi, nous ne sommes pas assez importants pour devenir ton but? Tu préfère mourir que de rester avec nous? C'est idiot. C'est stupide. Et egoïste. »

Elle se releva soudainement, brutalement, et d'un mouvement brusque, déchira son dessin, en le lachant au sol. Puis elle se mit à hurler, plus fort qu'elle n'avait jamais hurlé, laissant libre cours à ses émotions.

« T'as pas le droit! T'as pas le droit, t'as pas le droit! »

Elle répétait ces quatre mots, au bord de la folie, ses yeux semblant se révulser, et si elle avait pu se transformer, elle aurait été un loup fumant de rage, et les babines retroussées en un hurlement machiavélique. Elle aurait meme pu se jeter sur lui pour lui déchiqueter la gorge, tant elle se sentait trahie. Elle commença à partir, le laissant là, d'un pas méchanique et rapide, frappant rageusement tous les arbres qu'elle croisait. Et bien qu'elle ne sentait plus Andrew près d'elle, elle hurla de nouveau:

« Tu mériterais que je le dises à tout le monde! »

Elle se retourna vers l'endroit ou elle pensait qu'il se trouvait, et continua sur sa lancé, laissant ses larmes brulantes couler sur ses joues.

« Ne m'adresse plus jamais la parole, plus jamais! »

C'était bête, et elle savait mieux que tout le monde que ce n'était qu'une réaction d'enfant, et qu'il lui reparlerait surement le lendemain. Elle bouderait peut-etre plusieurs jours, plusieurs semaines même, comme une gamine n'ayant pas obtenu ce qu'elle désirait, puis tout redeviendrait comme avant, et elle ferait comme si de rien n'était. Abigail fonctionnait comme ça, changeante d'humeur et éternellement enfantine. Peut-etre qu'au bout d'un siècle, sa mentalité finira par changer, mais elle aimait bien surprendre les gens, et les etonner.

"Ainsi, nous ne sommes pas assez importants pour devenir ton but ?"

Cette phrase fut comme un poignard plongé dans le coeur d'Andrew. Il ouvrit la bouche mais ne dit rien. La folle colère de la petite demoiselle l'émouvait beaucoup parce qu'il la voyait rarement dans cet état. En général, il punissait immédiatement celui ou celle qui la mettre dans cet état. Sauf que c'était lui cette fois-ci...

_ Loupie... murmura-t-il sans être écouté.

Non, elle ne pouvait pas ne plus lui adresser la parole ! Abigail était l'une des rares personnes sur Terre à lui faire apprécier d'être encore en vie. Il fallait qu'elle continue à lui parler. Encore et toujours, jusqu'à ce que le monde s'effondre.
Le petit ange s'était déjà éloigné en frappant rageusement les arbres sur son chemin. L'Alpha la rejoignit en courant. Passant devant elle, il l'arrêta :

_ Ne sois pas fâchée, Loupie ! S'il te plaît, ne me déteste pas. Tu es la seule à... m'aimer sans raison alors... ne me déteste pas.

Il le pensait. Dans son esprit, les membres de la meute l'aimait parce que c'était l'Alpha et qu'il leur donnait des directives pour les empêcher de faire du surplace. Mais Abigail était tellement dérangée que ça ne pouvait pas être pour ça et conclure qu'il aimait d'elle pour autre chose que son statut lui mettait du baume au coeur.

Andrew baissa les yeux sur ses pieds. Il était peut-être pathétique mais il n'y avait qu'à sa petite Loupie qu'il montrait cette facette-là. Parce que quelque part, ils étaient liés tous les deux et c'était la raison pour laquelle il l'avait transformé pour l'avoir avec lui.

_ Tu sais, reprit-il avec raison, je ne veux pas vous quitter. Ni maintenant ni lorsque les Volturi ne seront plus. C'est juste que je pense que c'est vous qui me quitterez après leur extermination et je ne veux pas assister à ça.

Le lycan poussa un long soupir et s'assit dans l'herbe en s'adossant contre le tronc d'un arbre. Puis il leva les yeux vers Abigail.

Alors qu'elle était toujours aussi furieuse, elle fut soudain prise d'une violente convulsion, qui faillit lui soulever les entrailles. Puis une seconde, et une troisième. Une seconde plus tard, elle n'était plus là.

A la place d'Abigail se tenait un loup d'un roux scintillant, les babines retroussées et le poil hérissé. De sa gorge sortait un grondement sourd, qui sortait du fond de ses entrailles, un grognement de loup furieux. On aurait pu croire qu'elle allait se jeter sur lui, qu'elle allait le déchirer jusqu'à la mort. Effectivement, elle se jeta sur lui, le plaquant au sol. Mais brusquement, la louve ferma les yeux, et son échine se recourba. Sa queue passa entre ses jambes d'un air pitoyable, et elle se mit à couiner comme un chiot.

Elle s'allongea au sol, s'aplatissant, apeurée de son comportement et de sa réaction, se cachant loin d'Andrew. Elle pleurait, hurlait de tristesse, à la manière d'un loup, en levant son museau vers la lune en croissant. Puis, tentant de se retransformer en humaine, elle eut un sursaut.

Elle n'y arrivait plus.

Redevenir humaine semblait impossible. Elle avait beau penser à son apparence ordinaire, il n'y avait rien à faire. Sa poitrine ne se soulevait pas, elle ne tremblait, et une vague de chaleur ne l'envahissait pas, comme d'ordinaire lorsqu'elle se détransformait. Elle était totalement coincée dans sa carapace lupine, incapable de trouver le bon moyen. Elle se mit à renacler, comme un cheval fou, grognant contre elle même cette fois, jetant des regards apeurés à Andrew, suppliante et triste.

Elle lui adressa un aboiement inquiet. Et, soudain, la louve disparut à son tour. Abigail se tenait, là, sur le sol, recroquevillée sur elle même, et completement nue. Mais surtout, elle pleurait.
Elle ne s'inquietait pas du fait qu'elle pouvait etre pudique ou non, a vrai dire, depuis son adolescence elle avait l'habitude de sa mutation et de son apparence lors de la fin de la pleine lune. De plus, elle ne sentait pas gênée vis à vis d'Andrew, elle était bien trop dans ses nuages pour s'inquieter de telle choses. Mais elle était gênée de son comportement, de ce qu'elle avait faillit lui faire, à lui, l'Alpha de la meute...

Elle se racla la gorge, puis eut un rire étrange, qu'elle n'avait pas l'habitude d'avoir. Puis soudain elle se tut, et souffla:

« J'ai eu peur. »

Il était inutile d'en dire plus. Malgré ses cinquante ans déjà, elle n'était qu'une débutante en la matière, et n'avait pas connu tous les alléas de la vie lupine. C'était pour elle la première fois qu'elle avait du mal à reprendre sa forme humaine, elle qui avait toujours eu une mutation instinctive et naturelle. Etre une louve s'était révélée pour elle une vie tout a fait normale, elle n'en ressentait aucune remise en question, ou meme aucun regret. Aujourd'hui, elle venait de connaître sa première inquiétude, sa première difficulté, et elle en ressentait un grand trouble.

Il lui lança une veste, qui s'averait bien grande pour sa si petite taille. Elle l'attrapa à la volée, l'enfilant rapidement, encore quelque peu rougissante de ce qu'elle venait de faire, bien que les dernières traces de culpabilité s'effacaient déjà de son visage joyeux et insouciant... seulement en apparence cependant. Une main se poser sur ses cheveux, et elle resta immobile, grattant la terre sous ses mains.

« Je te pardonne... pour cette fois » dit-il.
« Mais moi pas... pour cette fois » repliqua-t-elle en un souffle, lui adressant un regard lunaire.

Puis elle se leva, et se mit à frotter les cheveux de l'alpha, d'un air taquin, en rigolant tout fort, comme une jeune fille normale aurait fait avec son meilleure amie. Puis elle attrapa son cou, et le tapant de ses minuscules poings, elle dit:

« Check! »

Puis elle s'effondra de rire, lui jetant parfois un regard, puis repartant dans ses délires solitaires. Son hilarité dura plusieurs minutes, et lorsque ses derniers eclats de rire de furent tus, elle se rassit tranquillement, gigotant de temps en temps, mais restant relativement tranquille. Puis elle finit par prendre la parole d'une voix eteinte:

« Tu m'aurais tué s'il y avait eu quelqu'un? (puis, rigolant de nouveau) Ah non, j'oubliais que tu as d'autres... chats à fouetter. A quand un nouveau massacre? »

Elle se leva joyeusement, entamant une danse ridicule, se cachant parfois derrière un arbre, et mimant un loup, sortant ses griffes et ses crocs. Parfois, elle se stoppait en plein mouvement, semblant attendre quelque chose, ou quelqu'un, et soudainement, elle se remit à courir. Seulement, elle poursuivais quelque chose, une ombre plus petite qu'elle encore, qui bondissait, et qu'elle finit par laisser s'enfuir en soupirant de défection. Elle se dirigea vers Andrew, expliquant son manège par une phrase énigmatique:

« Un lapin nain est si adorable quand on le croque. »

Il restait obstinément muet, un demi sourire aux lèvres; Il semblait amusé de la remarque d'Abigail, et bien qu'elle ne s'en vexa pas, elle s'en trouva quelque peu frustrée, elle qui avait longtemps réfléchit à la question, et qui avait jugé sa réponse interessante. Elle resta un moment ainsi, une moue de daidain sur sa bouche. Mais son énervement ne parut même pas, tant il s'effaca vite.

Il se pencha vers un buisson, lui tendant un casque, alors qu'elle lui posait la question fatidique. Il sembla figé quelques secondes, comme si des images passaient devant ses yeux. Puis il répondit, enfin, et Abigail fronça le nez à cette réponse, décue. Elle avait presque espéré qu'il pourrait lui parler de cet étrange sentiment, qui recelait tant de mystère. Mais il était borné dans son masque de tyran, comme toujours, avec cette froideur qui le caractérisait. Puis elle répondit honnêtement à sa question, toujours aussi sceptique cependant:

« Tu n'es pas qu'un tyran. Et puis ca t'irais bien d'etre amoureux je crois. En plus, ca te permettrait de rester parmis nous, pas vrai? Et puis tu mens mal tu sais? Tu sais pas mentir, regarde comme je sais bien mentir moi. »

Elle alignais les idées ainsi, a une vitesse fulgurante, comme si son esprit analysait les phrase en même temps, et non les unes après l'autre. Et soudain, elle se releva, et se mit à scander avec force:

« Je suis un lapin rouge à pois vert qui peut voyager jusqu'à la lune et nul ne peut me tuer! »

Et si on ignorait que sa phrase était fausse, on aurait pu tout a fait croire à son mensonge effronté, tant elle l'avait énoncer avec détermination et franchise. Elle se mit à rire de nouveau, mais, se faisant plus sérieuse brutalement, elle soupira:

« Moi j'aimerais bien tomber amoureuse un jour... Mais à l'école, ils me detestaient tous. Je déteste les adolescents, ils sont idiots. »

Puis elle retomba rapidement dans sa gaieté d'enfant, en enfilant le casque qu'il lui tendait toujours. Elle fut obligée de serrer la lanière au maximum pour ne pas qu'il glisse sur son visage.

« Aucune expérience de la vie... Certains n'ont même pas eu le temps d'atteindre les vingts ans dit-elle avec un sourire carnassier. C'est gentil à toi, mais garde tes idées tordues pour autre chose le taquina-t-elle. Les etudes, c'est pas vraiment mon truc. D'un autre coté... si j'arrive comme toi à atteindre les 2000 ans, je serai implacable sur l'histoire d'italie, sourit-elle. »

Il se hissa sur la moto, et elle croisa ses mains dans son dos, preferant ne pas s'accrocher, que ce soit à Andrew ou même à la moto. Elle avait toujours aimé le danger, et ça dans quelque situation que ce soit. Alors elle se contenta de serrer ses jambes contre le bolide. Mais le moteur ne démarrait pas, et Andrew semblait chercher ses mots. Elle écouta attentivement son discours, et elle eut pourtant la conviction qu'elle ne pourrait jamais tomber amoureuse d'un membre de la meute, pour la simple et bonne raison qu'elle aurait considéré cela comme un inceste pure et simple. En elle subsistait l'idée que les histoires qui tourneraient autour d'elle ne seraient jamais simples.

« Oui chef. Mais plus tard je me marierai avec tout sauf un humain. Je les déteste trop pour ça. Mais pas non plus avec un loup... On verra bien. J'en sais rien en fait. »
« Quant à moi, je ne crois pas que ça arrivera de sitôt. Anita monte la garde. »
« On se demande pourquoi... chuchota-t-elle, trop bas pour qu'il puisse l'entendre. Bon, demarre la moto!! »

Il s'executa, et elle poussa un cri lorsque le moteur se mit à ronfler sous ses jambes. Il s'engagea sur la route, et elle se mit à pousser des hurlements de joies quand le vent sifflais entre ses cheveux. Elle tendait ses bras à l'horizontale, faisant un bras de fer avec le vent, mais perdant evidemment.