Rencontre avec une croquette intriguante [=> Sebastian]

Andrew se trouvait à la Poste de la belle ville de Florence afin de venir retirer un paquet qu'on avait déposé ici pour sa boîte. La pleine lune était pour ce soir et il se sentait déjà énervé au point de ne pas pouvoir souffrir d'attendre des heures dans ces files interminables pour un maudit colis. Malheureusement, il avait déjà abandonné la veille pensant que ce serait mieux cet après-midi et c'était trompé. Demain n'allait pas s'améliorer.

_ Excusez-moi, jeune homme. Vous permettez que je passe avant vous ? demanda une vieille dame à la voix chevrotante. Mes jambes ne sont plus ce qu'elles étaient et je crains de m'écrouler à tout moment.

Andrew la fixa de son regard assassin et esquissa un sourire des plus carnassiers en soufflant tout de même à contre-coeur :

_ Mais certainement, Madame. Faîtes.

La vieillesse... Voilà bien un souci qu'il ne connaîtrait jamais. Et pourtant, son âme avait 2000 ans. La mamie fit le même coup aux personnes qui se trouvaient devant lui atterrit finalement devant le guichet tant convoité. Satanée politesse !
Andrew sentait son sang lupin bouillir dans ses veines. Il attendait le soir avec impatience. Il irait chasser avec Anita, Elisa, Sam et Alex pour se détendre un peu. Jusqu'au soir, il devait garder la maîtrise de lui-même.
Vingt minutes plus tard, il ne restait plus qu'une seule personne avant lui. Ouf ! Sa patience allait bientôt être récompensée. Alors qu'il laissait errer son regard sur les différentes personnes présentes dans la salle, ses prunelles sombres s'attardèrent sur un homme de taille moyenne d'une petite trentaine d'années à vue de nez. Il n'avait rien de vraiment particulier, si ce n'étaient ces yeux. Ils étaient grands et bleus, plein de rêves. Pendant une seconde, Andrew se mit à penser à une traque pour savoir où il habitait et en faire son repas ce soir. Esquissant un sourire, il secoua la tête et le chassa de son esprit.
C'est alors que son attention fut accaparé par deux jeunes femmes dans la file d'à coté.

_ Mais si, je t'assure que c'est lui ! disait l'une en farfouillant dans son sac pour en sortir un livre un peu corné. Regarde, il y a sa photo !

L'autre analysa la quatrième de couverture avec attention avant de jeter un oeil vers l'homme qu'Andrew avait observé discrètement quelques minutes auparavant.

_ Oh mon dieu, tu as raison ! C'est Sebastian Johnson ! jubilait la copine comme c'était la meilleure nouvelle de l'année. J'ai adoré son livre sur les vampires ! J'espère qu'il en a un autre en prévision.

Il était donc auteur d'études sur les créatures fantastiques ? Comme c'était intéressant...
Zut ! Voilà qu'il avait terminé sa conversation avec la guichetière et qu'il tournait les talons. Sans vraiment savoir ce qui le poussa à le faire, et abandonnant ainsi une place qu'il tenait depuis près de deux heures maintenant dans cette maudite Poste, le lupin sortit du rang pour se diriger vers la sortie en l'accompagnant. Que faire pour lui adresser la parole ? Il avait remarqué que l'homme s'était adressé à l'employé de la Poste en anglais. Il ne devait pas être italien. Las de chercher quelque chose d'un peu original, il fit mine de vouloir sortir en courant et le bouscula assez durement. Se retournant vivement, l'air sincèrement navré peint sur le visage, il s'exclama dans un anglais parfait :

_ Oh, excusez-moi. Vous n'avez rien ?

Cela le retarda le temps que les deux jeunes filles aient le courage d'aborder l'auteur. Elles lui présentèrent leur exemplaire du livre et lui demandèrent un autographe à grand renfort de sourire. Une fois qu'elles furent parties, Andrew se tourna vers Sebastian en souriant innocemment :

_ Alors vous êtes écrivain ? De quoi ?

L'air amical d'Andrew donnait envie de discuter un peu.

Sebastian était arrivé depuis quelques temps à Forks. Il y était venu parce qu’il avait entendu certaines rumeurs qui — loin de le faire penser à des ours ou des attaques de fauves — lui laissaient un arrière goût de surnaturel dans la bouche. Il voyageait bien souvent en suivant ses rumeurs, prenant des notes lorsqu’il trouvait effectivement quelque chose qui l’intéressait. Ça l’aidait pour rédiger son livre. Il fallait d’ailleurs qu’il se dépêche un peu de le finir, sinon son éditeur allait finir par le virer. Et il ne le voulait pas. Il vivait de ses livres et comment ferait-il pour trouver une autre maison d’édition ? Oh, ce ne serait peut-être pas trop dur... Il avait quand même publié un best-seller... On lui laisserait peut-être une chance. Toujours était-il que, lorsqu’il était en train d’écrire et de suivre les informations internationales, une chose le titilla. En Italie. Encore et toujours l’Italie. Il avait fait un voyage il y a plusieurs années. Il avait visité en particulier une petite ville du nom de Volterra. Il en était revenu indemne mais maintenant, à mesure qu’il y repensait, il savait qu’il aurait pu y laisser sa peau. Mais cette fois, on ne parlait pas de Volterra mais de Florence. Ça remuait pas mal là-bas et, même si ça semblait anodin, le sens aigu de l’écrivain pour voir plus loin que les apparences était en train de se réveiller. Et un peu de soleil radieux après le ciel triste de Forks, ça ne pourrait pas lui faire trop de mal.
Sebastian prit alors l’avion en direction de la ville italienne. Il s’était arrangé pour faire suivre son courrier jusqu’à une poste de la ville. Il fallait bien, des fois qu’on lui envoie une lettre. Il ne pensait pas vraiment en avoir mais on ne savait jamais. Son éditeur pouvait à tout moment décidé de rompre son contrat... Ou peut-être qu’Esmée lui enverrait une missive. Il s’entendait bien tous les deux et en quittant Forks, il n’avait prévenu personne. C’était la première fois qu’il se liait pendant une “mission” après tout. La première fois qu’il se liait tout court, d’ailleurs.

C’était donc en cette occasion que Sebastian se retrouvait dans une poste de Florence. Il avait rejoint l’une des files. Il y avait tellement de monde, il n’avait jamais vu ça. Mais maintenant qu’il était là, il n’allait pas faire demi tour. Il faisait la queue, comme tout le monde, tout en observant les gens présents. Une femme âgée avait réussi à attendrir tous ceux qui avaient devant elle pour arriver devant le guichet. A chaque fois qu’une personne la laissait passer pour qu’elle joue sa petite scène à la personne suivante, l’écrivain pouvait voir sur chaque visage une colère sourde naître. Bah, du moment qu’elle n’éclatait pas, ça irait. Il replaça sa concentration sur sa propre file. Il n’allait pas tarder à arriver au guichet. Voilà, plus qu’une personne... C’était bon ! Il adressa son plus beau sourire à la secrétaire.

- Bonjour, je suis Sebastian Johnson.

En voyant qu’elle ne comprenait pas vraiment l’anglais, l’écrivain se dandina sur ses pieds. Ça ne faisait pas vraiment classe pour un homme de trente cinq ans mais il était comme ça. Bref. Il essaya de se rappeler de ses notions d’italien qui dataient de la fac. Il marmonna alors quelques mots en italien avant d’abandonner et de reprendre en quelques mots en anglais, essayant de faire simple.

- Uhm... Américain... venu chercher... courrier.

La secrétaire le regarda un instant avant de comprendre ce qu’il voulait. Elle le fit patienter une bonne paire de minutes avant de revenir les mains vides. Il s’était battu avec des restes d’italien pour rien. Il poussa un léger sourire désappointé avant de lâcher un :

- Grazie.

Il quitta alors la file pour sortir et rejoindre son hôtel. Il avait envie de prendre une douche avant d’aller dîner. L’après-midi n’était pas encore bien avancée mais il voulait se balader un peu en ville aussi, avant de manger. Il avait la tête un peu ailleurs, si bien qu’il manqua de tomber quand on le bouscula sauvagement. Il regarda son “agresseur” avec un air un peu éberlué. Perdu dans ses pensées, Sebastian mettait parfois un temps à redescendre sur terre. L’homme avait l’air navré, malgré son air un peu bourru. Il s’excusa alors dans un anglais parfait, ce qui le surprenait un peu, après son expérience avec la jeune secrétaire un peu plus tôt.

- Non, ça va. Ça va aller, juste un peu remué. Ce n’est rien.

Sebastian n’était pas du genre à en vouloir à la terre entière ni à être rancunier... D’autant plus qu’il était lui-même un peu absent quelques secondes plus tôt. Il adressa un sourire gentil à l’homme et s’apprêtait à reprendre son chemin pour sortir. Mais deux jeunes filles se pointèrent entre lui et l’inconnu. Elles lui adressèrent toutes deux un immense sourire des plus charmeur mais il resta de marbre. Bien que ne comprenant pas un seul mot d’italien, il comprit qu’elles voulaient un autographe. Il signa alors les deux livres leur adressant un petit sourire à chacune. Mais si elles avaient essayé de le séduire, c’était raté. Ce n’était que des adolescentes... Il avait bientôt trente six ans. En plus de ça, il était persuadé qu’elles aimaient son histoire sans y croire sérieusement un mot. Et Sebastian était tout dédié à ce monde auquel il semblait être le seul à croire. Il les regarda alors s’éloigner sans un mot, sans même le voir réellement. Alors qu’il posait de nouveau son regard dans l’embrasure de la porte, il se rendit compte que l’homme n’avait pas bougé. Voulait-il un autographe, lui aussi ? Mais non, il lui demanda juste ce qu’il écrivait.

- Et bien oui, je suis écrivain... J’écris des histoires fantastiques... Sur les vampires, les loups-garous... Ce genre de choses...

Il ne savait pas comment l’inconnu allait le voir après ça... Après tout, être passionné de ce genre de choses passé la trentaine, ça faisait un peu bizarre, non ? Il adressa un sourire amical à l’inconnu avant de lui tendre la main.

- Sebastian Johnson, enchanté.

Et il l’était vraiment, enchanté. Ça faisait du bien de parler anglais avec quelqu’un. Tous ces italiens... Enfin, ce n’était pas grave. Celui qu’il avait devant lui avait l’air gentil et prêt à discuter un peu. Une fois que l’homme s’était présenté, Sebastian glissa sa main dans la poche de son jeans et reprit la parole.

- En fait, je suis passionné par ce monde... Il est tellement intriguant... Et bien plus passionnant que celui qui se trouve sous nos yeux, n’est-ce pas ?

Oh, et puis même si Andrew — car il s’appelait bien Andrew — ne partageait pas son avis, ça n’allait pas l’empêcher de dormir, il était habitué à ce genre de personne.